Summer

Jul
22
2015
Nyon, CH
Paleo Festival
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Sting, quatre cordes et une voix pour oublier qu'il pleut...

 

La star anglaise a saisi Paléo, mercredi soir, en faisant le choix de la musique plutôt que du spectacle. Bluffant.

 

C'est très étonnant. Popeye ne porte pas de barbe, mais Sting barbu ressemble à Popeye. Il est apparu mercredi soir peu avant minuit le visage cerclé d'une magnifique toison brune de pécheur de baleine, impression éventuellement forcée par l'atmosphère (enfin) humide de la plaine de l'Asse. Euphémisme: lorsque la vedette anglaise a posé le pied sur la grande scène, une partie conséquente du public avait déjà déclaré forfait après un orage diluvien et plusieurs heures d'averse transformant le terrain en champ de boue.

 

On enrage à l'idée que Calogero a ainsi mieux rempli l'Asse que Sting. Ce dernier se fiche sans doute d'avoir été devancé en matière d'affluence par une sorte d'endive molle française, au chant si plat que Mylène Farmer passerait pour Montserrat Caballé. La grande scène n'avait pas encore fini de rougir des poses crétines façon «l'art m'habite» de la jacket en faux cuir que l'Anglais venait remettre les pendules à l'heure et montrer comment une Fender Precision se porte - et se joue.

 

Pour sa levée de filet, Sting n'a pas besoin d'un gros chalutier. L'une des stars de cette 40e édition pourrait jouer sur la plus petite des scènes. Six musiciens en tout, dont un violoniste et une choriste. Aucun effet visuel. Pas de décor monumental. Même l'ampli basse du maestro semble composé de vieux hauts-parleurs de salon disposés en un podium noir derrière lui. C'est dit: l'affaire est musicale et il n'y a pas besoin de regarder grand chose d'autre que Sting.

 

Premier harponnage avec If I ever Lose my Faith in You, cap sur les mers caribéennes et ses rythmes de calypso que ne brouille pas Every Little Thing she Does is Magic. Le muscle saillant sous un t-shirt quelconque, la lippe malicieuse, Sting apparaît à cent lieux de la star bien peignée et de l'ami de la City ne cachant pas sa fascination pour l'upper class anglaise. C'est au contraire un ouvrier de la 4 cordes qui attaque Paléo, entrant dans son propre groove, les yeux mi clos et le corps secoué par les lourds impacts de sa corde de mi. Le chanteur Sting n'a rien à envier au bassiste: à 63 ans, sa voix demeure l'une des plus fabuleuses de la pop, frôlant toujours le point de rupture sans jamais casser, mimant des intonations exotiques que ce fils de livreur de lait découvrit sur disques.

 

Il visite The Police pour moitié de son répertoire, retrouvant facilement l'urgence expressive du trio. Message in the Bottle fait chavirer la foule autant que Roxanne, tandis que les projecteurs découpent des rideaux de pluie au dessus du public. Le chanteur a l'élégance de s'exprimer en un français impeccable entre les morceaux, donnant un concert pop que ne boudent pas de longues - souvent riches, parfois verbeuses - incursions dans des jams jazzy. Sting s'y amuse, abandonnant la virtuosité discrète de son jeu au profit d'un slap musclé.

 

Rappel en forme de Desert Rose déjà datée et d'un Every Breath you Take, lui, intemporel. Sting a affronté la plaine de l'Asse comme un concert de club, et l'a conquise. Les tueurs les plus redoutables sont ceux qui s'avancent sans masque, mains dans les poches, droit vers vous.

 

(c) 24Heures by François Barras

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